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Sphère de gaz géante, réservoir de gazole… Motu Uta fait le plein de chantiers


Le groupe Siu a lancé deux grands chantiers sur la « zone récifale Est » de Motu Uta. D’abord un nouveau réservoir de 14 500 m3, à la conception inédite, qui doit permettre à Petropol d’enfin libérer, à partir de fin 2024, les cuves de Fare Ute. Gaz de Tahiti, autre filiale du groupe, a de son côté commencé à préparer le terrain pour sa nouvelle sphère de gaz sous talus : cette structure géante, qui remplacera la sphère la plus âgée, promet d’augmenter de 50% les capacités de stockage du site à l’horizon 2025.

Deux grues pour deux grands projets du côté de la zone de dépôts de carburant de Motu Uta. À la manœuvre, le groupe Siu – Petropol, et ses filiales Gaz de Tahiti et SPMU, qui ont commencé il y a quelques semaines à préparer le terrain pour un nouveau réservoir de GPL (gaz de pétrole liquéfié, butane ou propane). La future « sphère sous talus » jouxtera – et dépassera en taille – celle qui avait été installé sur le site en 2002. Une fois les fondations installées, la structure métallique préformée, qui doit être livrée en février prochain, sera peu à peu installée, puis couverte et végétalisée… Elle ne devrait pas rentrer en service avant la fin de l’année 2025.

Pendant quelques mois, la digue de Motu Uta accueillera alors trois sphères de gaz. Il faudra attendre la fin des opérations de « requalification » de la première sphère végétalisée, courant 2026, pour que la structure la plus ancienne, dépourvue de talus et de couverture végétale, ne commence à être démantelée. Cette sphère « aérienne » avait été installée dès 1980, et d’après le PDG du groupe Petropol, elle « a toujours passé ses tests de sécurité avec succès ». Son remplacement, ça n’était « pas une obligation », précise Georges Siu qui sait tout de même que le sujet est très sensible. En 2021, des syndicats du port s’était inquiétés du maintien – et du développement – du dépôt de gaz dans cette zone de Motu Uta proche des zones de débarquement, du centre-ville et dans l’alignement de la piste de Tahiti-Faa’a. Le projet, malgré la polémique, avait avancé et été validé par les commissions compétentes. « Les sphères sous talus, c’est parfaitement sûr, insiste le patron du groupe. Même si tout brûlait autour, ça ne bougerait pas. »

Des méthaniers remplis à l’arrivée en Polynésie

Avec ses plus de 5000 m3, deux fois plus que la sphère aérienne qui va disparaitre, et presque trois fois le réservoir sous talus existant, la nouvelle structure devrait permettre d’augmenter de moitié les capacités de stockage de gaz du site. Pourquoi une telle croissance, quand on sait que la consommation polynésienne – environ 10 000 tonnes par an – stagne depuis plusieurs années ? D’abord parce que le groupe Siu, qui investit plus de deux milliards de francs dans ces travaux, croit dans le développement de l’utilisation du GPL au fenua. Que ce soit dans la consommation courante (bouteille de butane), l’industrie (gaz propane utilisé, par exemple, dans l’hôtellerie), les transports, mais surtout du côté de la production d’énergie… Une option plusieurs fois évoquée sous la mandature d’Édouard Fritch, et même concrètement explorée en 2021 par EDT-Engie, qui avait identifié un site pour accueillir une petite centrale à Papenoo. Certes, le GPL, carburant d’origine fossile, n’est pas une énergie renouvelable. Mais sa combustion, réactive et facile à contrôler, rejette, à énergie équivalente, moins de gaz à effet de serre et de particules polluantes que le gazole aujourd’hui utilisé à la Punaruu et dans la plupart des groupes électrogènes de Polynésie. « Le développement du gaz permettrait aux autorités d’avancer plus rapidement vers les objectifs de décarbonation », reprend Georges Siu, qui assure « se tenir prêt » pour participer à des discussions sur le sujet.

Une maquette du futur site : la sphère de gaz aérienne va être démantelée, la sphère sous talus va être requalifiée et conservée.

Des économies pour se préparer à l’arrivée de la concurrence

Mais centrale ou pas, la nouvelle sphère de Motu Uta remplit quoiqu’il arrive un autre objectif : faire des économies sur le transport. Gaz de Tahiti espère bien, à partir de la fin 2025, pouvoir remplir davantage les méthaniers qui alimentent le fenua, et donc les faire venir moins souvent. De quoi faire baisser la facture, in fine, pour les consommateurs polynésiens ? « Un élément qu’on ne peut pas changer c’est le cours international du gaz et le taux du dollar. Par contre le fret il est possible de travailler, acquiesce le PDG du groupe. Nos navires font 4 200 m3 et la sphère fait 5000 m3. Il y a une logique économique à les faire venir à pleine charge plutôt que remplis à moitié, comme aujourd’hui. ».Au passage, les réserves de gaz vont se renforcer et passer à deux mois de consommation actuelle du fenua sur ce site de stockage… Qui ne sera bientôt plus le seul.

Car ces nouvelles installations vont surtout permettre au groupe Siu de jouer au mieux des coudes avec un autre acteur de poids de l’énergie : le groupe Moux dont la filiale Mana Ito prépare toujours un dépôt et un terminal gazier à Hitiaa. Les premières phases du chantier sont là aussi bien avancées : les trois grosses cuves qui doivent stocker le gaz sur place, et qui seront elles aussi enterrées, doivent être livrées début décembre (voir encadré). Et Mana Ito a bon espoir de lancer ses offres commerciales « dans le courant de l’année prochaine », ouvrant, pour la première fois depuis presque 20 ans, le marché du gaz polynésien à la concurrence.

Un réservoir sécurisé pour libérer Fare Ute

L’autre chantier visible à Motu Uta, entamé lui depuis plusieurs mois, c’est celui d’un grand réservoir de carburant. 14 500 m3 où devrait être rapatrié le gazole aujourd’hui stocké par Petropol – société qui exploite les stations Mobil – dans la zone des « quais pétroliers » de Fare Ute. Une zone qui doit être libérée depuis bien longtemps : un premier protocole dans ce sens avait été signé par les compagnies pétrolières en 2008, un autre en 2015. Depuis certaines cuves ont bien été démantelées, des travaux de dépollution sont en cours sur une partie du site… mais environ 18 000 m3 de stockage, partagés entre Petropol et Total, restent sur place. Le transfert – qui ne concerne jusqu’à preuve du contraire que Petropol – avait un temps été daté à début 2023, ce sera finalement d’ici la fin 2024, avec l’achèvement de la nouvelle cuve côté Motu Uta. Autorités et privés ont depuis longtemps des vues et des projets sur le « quai des pétroliers », stratégiquement situé entre les cales de halage et la base maritime. Mais il faudra, avant de réhabiliter, démanteler les vieilles cuves et surtout finir de dépolluer ce site qui a connu des fuites récurrentes d’hydrocarbures, souvent dans une relative discrétion.

Pour éviter d’exporter la pollution vers Motu Uta, le nouveau réservoir est doté d’un voile béton qui entoure la structure, pour protéger des éléments extérieurs et servir de capacité de rétention en cas de fuite ou de rupture. « C’est le premier réservoir fait de cette manière en Polynésie » précise Georges Siu, qui parle d’accidents « extrêmement rares ». Côté sol, la cuve est équipée d’une géomembrane : « dans le cas d’une fuite en fond de cuve – et je ne pense pas que de mon vivant je connaitrais un évènement de ce genre – le gazole serait récupéré à 100%. »

Navigation perturbée à Hitiaa début décembre

Aux alentours du 10 décembre, Mana Ito recevra par bateau les grandes cuves qui, une fois enterrées et sécurisées, doivent accueillir le gaz de son futur dépôt de butane à Hitiaa. Une opération complexe qui nécessite une règlementation temporaire de la navigation dans la zone. Elle a été actée, par arrêté, mercredi, en conseil des ministres. Le texte crée deux zones dans lesquelles la circulation maritime, le mouillage et les activités aquatiques seront successivement interdites. La première, qui va de la passe de Faatautia au point d’ancrage de la marina Cowan, sera activée pendant les 6 heures précédant le passage, aller puis retour, du cargo de transport. La seconde, limitée aux abords de la marina, restera active pendant toute la phase de transbordement et permettra tout de même une navigation dans un étroit couloir près du récif. Les dates exactes seront communiquées début décembre par le JRCC et la mairie de Hitia’a o te ra.

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