ACTUS LOCALESENVIRONNEMENTPOLITIQUESANTÉ

« Toxique » : les parlementaires polynésiens demandent des explications au gouvernement central

Après les révélations de l’enquête menée par le média d’investigation Disclose sur l’irradiation des populations polynésiennes lors des essais nucléaires, les parlementaires polynésiens Moetai Brotherson, Teva Rohfritsch et Lana Tetuanui interrogent le gouvernement français. 

Quelle confiance accorder aux déclarations lénifiantes du gouvernement central sur les conséquences des essais nucléaires, au lendemain des révélations de Disclose ? Que penser de cette note remise au gouvernement polynésien l’année dernière qui reconnaît l’existence d’un « cluster » de cancers aux Gambier ? C’est ce qu’a demandé ce mardi le député Moetai Brotherson à la ministre des Armées Florence Parly, lors de la séance des questions aux gouvernement. Cette dernière a débuté sa réponse de façon surréaliste, rendant hommage à Olivier Dassault, député de l’Oise décédé la veille dans un accident d’hélicoptère, et héritier du plus gros constructeur d’avions militaires français. Elle a ensuite fait un bref inventaire : étude d’une vingtaine d’experts de l’Agence internationale de l’énergie atomique à la fin des années 90, création de la commission d’indemnisation devenue autorité administrative indépendante (et donc hors de la tutelle du ministère), surveillance des atolls par Telsite2, campagnes de prélèvements et opérations de dépollution. Enfin elle cite le récent rapport de l’Inserm, commandé par son ministère, dont « nous allons étudier les conclusions pour évaluer la nécessité de conduire une étude épidémiologique comme demandé par les associations locales. » 

 

Lana Tetuanui et Teva Rohfritsch appellent le gouvernement à « faire toute la lumière »

De leur côté, les deux sénateurs polynésiens ont rendu publique leur question écrite à Florence Parly, par laquelle il lui demandent de « faire toute la lumière sur la teneur de ces publications et (de) prendre en conséquence toutes les dispositions nécessaires à l’information juste et objective du Parlement et des citoyens français, en particulier de nos populations de Polynésie française. Les Sénateurs requièrent également que soient engagées des mesures adaptées et efficientes en réponse aux attentes des victimes des essais nucléaires dans ce contexte. »

« La première chose qui me semble assez essentielle c’est le droit de savoir, et puis en fonction des réponses, le droit à réparations si les faits sont avérés, » dit Teva Rohfritsch.

Question Écrite Des Sénateu…

« On ne tire pas de conclusions de notre côté (…). C’est une modélisation nouvelle qui a été faite à partir des archives déclassifiées, il faut déjà reconnaître que c’est parce que ces archives ont été déclassifiées que ces analyses ont pu être menées. C’est notre rôle de parlementaires de frapper à toutes les portes compte tenu de la stupeur de l’opinion publique polynésienne, » poursuit Teva Rohfritsch.

 

Le débat autour des archives « secret défense »

L’accessibilité des archives nationales a refait irruption dans le débat public à l’occasion de la remise du rapport Stora sur la « réconciliation mémorielle » avec l’Algérie. L’accès aux archives est régi par la loi du 15 juillet 2008, qui en principe rend accessible tout document de plus de 50 ans. Mais en 2011, une « instruction générale interministérielle », émanant du Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN), précisait qu’un document classé secret-défense, pour être consultable, devait au préalable être déclassifié. Concrètement, chaque document se voit alors apposer un coup de tampon, permettant ensuite sa consultation. Une procédure dénoncée de longue date par les historiens. Car elle est non seulement fastidieuse et décourage les chercheurs, mais elle est contraire à la hiérarchie des normes qui veut qu’une loi soit supérieure à une circulaire.

Ce mardi, l’Elysée a annoncé vouloir rendre les archives plus facilement accessibles, notamment en accordant des autorisations par carton et non par document. Déjà certains historiens dénoncent un effet d’annonce trompeur, car la mesure ne concernerait que les archives militaires, mais pas celles conservées par exemple au ministère de l’Intérieur ou aux Archives nationales.

 

Gaston Flosse fait du Richard Virenque

On m’aurait menti ? C’est un peu la ligne adoptée par Gaston Flosse, dans un communiqué qui pourrait faire sourire si le sujet n’était pas si grave.  Si l’hypothèse de Toxique s’avérait exacte, « la France nous aurait-elle trompé volontairement ? » interroge l’ex VRP de la bombe dans le Pacifique, qui conclut « si j’avais su que c’était au prix de sacrifices, de vies humaines, je me serais opposé avec violence à ces expérimentations. Nous, Polynésiens, avons été trompés. » À l’insu de son plein gré, donc. Gaston Flosse demande que la France reconnaisse le fait nucléaire, réexamine à la lumière de ces nouveaux éléments les demandes d’indemnisations rejetées, et annule la loi Morin (pourtant la seule base de ces indemnisations).

Article précedent

Colère chez les greffier(e)s et secrétaires du palais de justice

Article suivant

"Le plus long Swac du monde" en assemblage à Papeari avant d'être installé à Taaone

2 Commentaires

  1. Pierre Laforet
    10 mars 2021 à 5h47 — Répondre

    Il semblerait que nos parlementaires aient oublié la définition que Nietsche avait donné de l’État : « le plus froid de tous les monstres froids ».

  2. deodata
    10 mars 2021 à 7h54 — Répondre

    Sur le site de l’Assemblée de Polynésie on trouve déjà tous les textes, cartes, mesures, rapport, dont l’impressionnant et terrible de docteur Sueur qui mentionne les études sur les cancers mais aussi le drame effroyable des fœtus mal formés morts-nés. Le rapport Damoclès, par ailleurs, fait froid dans le dos. Alors comment se fait-il que certains de nos dirigeants prennent avec des pincettes le livre qui vient de sortir confirmant tout ce qui a été déjà publié par l’AIEA, Bruno Barillot, Moruroa e tatou, Futura-Science etc ?

Laisser un commentaire

PARTAGER

« Toxique » : les parlementaires polynésiens demandent des explications au gouvernement central