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Concession d’électricité de Tahiti : EDT chiffre à 2,5 milliards la dette du Pays

Le tribunal administratif de Papeete étudiait ce mardi matin un recours de EDT Engie envers le Pays déposé en 2017. Le concessionnaire de la distribution d’électricité de Tahiti, qui a connu des hausses de charges liées entre autres aux cours du pétrole, y demande le remboursement de 2,5 milliards de francs de « manque à gagner » entre 2016 et la fin 2019. Une somme qui inclut donc les 1,85 milliards déjà promis par le Pays, en pleine discussion avec EDT sur le contrat de concession.

Les débats animent déjà les couloirs du gouvernement, l’hémicycle de l’assemblée territoriale ou les cercles économiques… Ce matin, c’est au tribunal administratif que la question de la rémunération d’EDT, dans le cadre de sa concession de distribution d’électricité à Tahiti, s’est exportée. Le problème est connu : la concession accordée depuis 1960 à EDT par le Pays ne permettait pas d’adapter les tarifs de l’électricité aux variations des charges de l’opérateur. Un avenant au contrat de concession signé en 2015, l’avenant 17, proposait bien une nouvelle formule de calcul, alors acceptée par les deux parties. Mais son application était conditionnée à la mise en place d’un système de péréquation inter- îles des tarifs de l’électricité… dont le Pays ne s’est toujours pas doté.

Un deuxième avenant, 17b, avait été signé en mars 2016 pour permettre, tout de même, les baisses de tarifs au consommateur promises par les autorités. Il met en place, au passage, une grille tarifaire temporaire reprenant le principe d’un « revenu autorisé » pour EDT. Sauf que depuis cette date, et jusqu’à février 2019, les tarifs de Tahiti Nord n’ont pas bougé, quand les coûts d’achat des hydrocarbures, la redevance de transport de l’électricité et d’autres charges ont, eux, « largement augmenté ». C’est sur cet écart entre les recettes prévues et effectives d’EDT-Engie que porte le recours administratif étudié ce mardi.

Une dette déjà reconnue par le Pays

Entre autres demandes, la filiale d’Engie chiffre à 2,46 milliards de Francs son manque à gagner sur la période courant de début 2016 à novembre 2019. Et demande au juge administratif de contraindre le Pays à lui payer, sous astreinte. Pour l’avocat de la compagnie d’électricité, Me Robin Quinquis, cette somme est le fruit « du calcul le moins avantageux » pour EDT, et basée sur les grilles publiées en 2016. La société propose d’ailleurs, dans ses demandes subsidiaires, d’autres modes de calcul… selon lesquelles le manque à gagner dépasse les 4 milliards de francs.

L’avocat rappelle en outre qu’EDT n’a jamais cessé le dialogue avec les autorités. Certes, ce recours administratif a été déposé en 2017, en pleine hausse du prix des hydrocarbures, pour pousser le gouvernement à réagir. Mais EDT et le Pays n’en ont pas moins signé en février 2019, un 18e avenant au contrat de concession, actant une hausse des prix de l’électricité de Tahiti Nord. Au passage, la Polynésie Française reconnaissait une « dette » de 1,85 milliards de francs envers son concessionnaire, toujours au titre du manque à gagner, et pour la période courant jusqu’au 31 octobre 2018. Une dette qui n’a toujours pas été payée, insiste Me Quinquis, pour qui « la collectivité a pendant quatre ans, manqué systématiquement à sa parole ». Le dernier avenant confirme tout du moins la méthode de calcul retenue par EDT pour affirmer ses prétentions, retient l’avocat.

Des négociations toujours en cours pour un 19e avenant

Pas question de discuter de ce 18e avenant, répond le rapporteur public, qui demande l’irrecevabilité des dernières conclusions déposées par EDT… mais aussi le rejet global de la requête. Et ce pour une raison simple : si le tribunal administratif est bien le juge des contrats en matière de concessions, il ne doit en aucun cas s’immiscer dans les négociations entre le Pays et son concessionnaire. À l’entendre, seule une décision de la collectivité perturbant profondément le contrat – le « fait du prince » – ou un événement réellement imprévisible – pas les fluctuations des cours du pétrole – pourraient amener le tribunal à intervenir. Le rapporteur public relève en outre que, si EDT fait état d’un manque à gagner, sa concession ne souffre pas d’un déficit d’exploitation.

Le tribunal administratif devrait rendre une décision le 10 mars. Et elle est très attendue par le Pays et EDT-Engie, en pleine négociation d’un 19e avenant. Portant notamment sur le plan d’investissement de la compagnie dans le cadre de la transition énergétique, il doit aussi organiser le remboursement par le Pays du manque à gagner d’EDT. L’avenant était d’ailleurs attendu pour le 15 août dernier. D’après EDT, les deux parties se sont depuis longtemps mises d’accord pour que la procédure devant le tribunal administratif ne compromette pas leurs discussions.

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