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Coups mortels à Huahine : 6 ans de prison

Ce mardi se tenait la deuxième et dernière journée du procès de Maui Tuare, accusé de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Après deux jours de débat, le jury a tranché et le verdict est tombé. Il a été condamné à 6 ans de prison ferme et a été immédiatement incarcéré.

Pour cette deuxième journée d’audience, les débats ont démarré par l’audition du psychologue qui a évoqué l’enfance de l’accusé, placé sous une forte emprise paternelle, précisant que Maui a une personnalité « limite borderline, à l’intelligence médiocre mais exempt de déficience intellectuelle. » Selon lui, si l’accusé avait refusé le combat, il aurait ressenti cela comme une faiblesse.

« Il aimait provoquer les gens »

Autre témoignage, celui de l’épouse du défunt. On apprendra qu’ils se sont connus alors qu’ils avaient une vingtaine d’années, qu’il aimait ses cinq enfants et qu’il n’aimait pas rester sans rien faire, travaillant à gauche et à droite. Sur son rapport à l’alcool, il buvait de temps à autre une bière par jour en semaine, par contre le week-end il buvait sans compter. Concernant le soir du drame et de son goût pour la bagarre, elle précise qu’il aimait bien asticoter les gens, les provoquer, « mais sans plus, après il partait. » Elle n’évoquera pas les nombreuses bagarres auxquelles a pris part son mari, contrairement à ce qu’elle avait déclaré lors des auditions à la gendarmerie.

« Depuis qu’il est plus là c’est vide »

L’un de ses enfants s’avance alors à la barre. Âgé de 21 ans il travaille dans le coprah. « J’ai grandi avec mon papa, on travaillait tout le temps ensemble. Il m’a tout appris madame », dit-t-il à la présidente qui lui demandait d’évoquer son père. « Il a toujours rapporté de la nourriture à la maison. » Questionné sur les qualités et défauts de son père, il se remémore « comme on est têtu parfois il nous grondait, mais c’est un bon papa. Depuis qu’il est plus là, c’est vide », confie-t-il des sanglots dans la voix. Interrogé sur le tempérament bagarreur de son père il confesse, fataliste « quand il est bourré il fout la merde. C’est comme ça. »

« L’alcool n’est pas la cause première du décès »

La médecin légiste confirme son rapport ; à savoir que la victime est décédée à la suite d’une asphyxie due au liquide gastrique qui serait remonté de l’estomac pour descendre dans les poumons. Pour autant les coups reçus seraient à l’origine de ce dysfonctionnement. Elle réfute la thèse avancée par la défense de l’accusé qui met en avant l’alcoolisation de la victime pour expliquer sa perte de connaissance et son décès. « Il avait 2,30 grammes d’alcool dans le sang au moment de la bagarre et le coma éthylique ne survient qu’à 4 grammes d’alcool dans le sang. L’alcool n’est donc pas la cause première du décès. »

« Au début je pensais qu’il rigolait »

Appelée de nouveau à la barre après que le légiste ait fait part de nombreuses ecchymoses sur le corps de la victime, alors que lui n’en porte aucune, l’accusé maintient que le défunt et lui ont bien échangé des coups, « au moins trois ou quatre chacun. C’est quand il est resté assis à terre que j’ai arrêté de le frapper. » Revenant sur l’origine de la rixe il affirme « au début je pensais qu’il rigolait, mais c’est après que j’ai vu qu’il ne rigolait pas quand j’ai reçu les premiers coups. »

La reconstitution des faits, diffusés sur écran dans la salle d’audience, n’apporte pas vraiment d’éclairage nouveau sur cette affaire, la seule version à la disposition des instances judiciaires étant celle de l’accusé.  Ce qu’il en ressort, c’est que si les pompiers avaient été appelés dès la découverte de la victime allongée au sol, plutôt que de la ramener à son domicile, il aurait pu « peut-être » être sauvé, suppose la légiste interrogée sur ce fait.

« Oui, les coups portés par Maui Tuare ont bien provoqué la mort de M. Mai  »

Au tour de la partie civile de s’exprimer. Me Bregman qui représente les intérêts de la famille du défunt s’adresse aux jurés. « Vous allez devoir répondre à deux questions. La première est de savoir si ce sont bien les coups portés par l’accusé qui ont entrainé la mort de Hugues Mai… Cette réponse vous appartient et je vais vous donner la mienne. » Elle marque une pause, parcourt le jury du regard et assure que « oui, les coups portés par Maui Tuare ont bien provoqué la mort de M. Mai. Ces coups ont été mortels ! »

Abordant la deuxième question, savoir si l’accusé a agi en état de légitime défense, ce que compte plaider le défenseur de Maui Tuare, là aussi pour l’avocate, pas de doute. « Certes la victime a porté le premier coup, mais pour que la légitime défense soit acquise il faut que la réponse soit proportionnelle à l’attaque, et là elle est démesurée. La victime a fini en sang, le visage couvert d’hématomes. » Pour elle s’il y a bien une certitude dans cette affaire c’est que « la culpabilité de l’accusé ne fait aucun doute. M. Maui aurait dû réagir autrement, d’autant que la victime était connue pour venir asticoter les gens et qu’il suffisait de le repousser pour qu’il s’en aille. »

8 ans requis contre Maui Tuare

Au tour de l’avocat général de s’exprimer. Il commence par un rappel des faits puis brosse un portrait à charge de l’accusé rappelant ses multiples condamnations : « Il a été condamné à plusieurs reprises à du sursis, du ferme, mais aucune de ces peines n’a suffit à le sortir de cette dérive. Il n’a pas retenu la leçon. » Il enfonce le clou : « il répond à la violence par la violence, c’est un être frustre. »

C’est limpide, « l’infraction de coups mortels est clairement établie, la mort de Hugues Mai est la conséquence directe des coups portés par Maui. » Toutefois il tempère, « en revanche, l’intention d’homicide ne ressort pas de l’instruction judiciaire, ni des débats. » Quant à la légitime défense, il la balaie d’un revers de manche : « celle-ci serait acquise si l’attaque en question avait été imprévisible. Ce n’est pas le cas. Il a accepté le combat, ce qui l’exclut de la légitime défense. » En outre, « l’accusé n’a jamais dit avoir craint pour sa vie, et il ne porte aucune trace de coups alors que la victime oui ! » En conclusion, s’adressant aux jurés, « il a cédé à la provocation, je vous demande de ne pas retenir la légitime défense et de retenir sa culpabilité pour avoir porté des coups mortels sans intention de donner la mort. » Il requiert à l’encontre de Maui Tuare, 8 ans de prison assortis d’un suivi socio-judiciaire de 5 ans.

 « La légitime défense ça se vit. Ce n’est pas dans les manuels. »

« Cet homme encourt 8 ans de prison pour s’être défendu. Huit ans qui sont basés sur son casier judiciaire si l’on en croit l’avocat général », s’exclame Me Antz, défenseur de l’accusé qui, en préambule, entreprend de décrire l’environnement « sinistré » de l’île de Huahine. « Il n’y a pas grand-chose à Huahine. Pas d’hôtel, rien. La vie est économiquement dure et les gens sont à l’image de la vie, rudes. Ils sont endurcis. L’accusé et la victime évoluent dans ce milieu où l’on fait peu de cas d’autrui (…) il y a comme une sorte de culte de la violence en Polynésie. » Me Antz n’en démord pas, « Hugues Mai est mort à cause du reflux du liquide gastrique. C’est cela les causes de la mort et non les coups portés ou l’alcool. » Il le certifie, « la cause de la mort est due au fait qu’il soit resté un certain temps allongé sur le dos et non en PLS (position latérale de sécurité). Il est mort plus de trois heures après les faits. »

Il observe les jurés et affirme, « la légitime défense ça se vit. Ce n’est pas dans les manuels, la poussée d’adrénaline etc.. Quant à la mesure de la riposte, certes l’accusé est plutôt costaud, mais la victime ce n’est pas un gringalet. Je rappelle, 1.83m et 93 kilos, et en plus il a l’habitude de se battre, contrairement à mon client. » Revenant sur l’absence de traces de coups sur l’accusé, il y relève, « une défaillance dans l’instruction du dossier, en plus il n’y a pas d’avocat à Huahine pour vous assister en garde à vue. Vous pensez bien que s’il y avait un avocat celui-ci aurait demandé aux gendarmes de faire venir un médecin pour qu’il constate les traces de coups sur mon client. »

Puis, didactique, il explique aux jurés qu’ils se retrouvent face à deux solutions ; « si vous l’acquittez, sachez que la famille de la victime n’obtiendra pas de compensation financière, et peut-être que cela vous empêchera d’opter pour ce verdict. Cependant, vous pouvez condamner mon client avec un sursis global, et dans ce cas-là, il y aura une indemnisation pour la famille de la victime. »

 Appelé à prendre la parole en dernier, Maui se présente à la barre en sanglots. Il s’appuie sur la barre, les mots ont du mal à sortir. Il prend une profonde inspiration et se lance. « Je demande pardon à ses enfants et sa femme. Je leur souhaite bon courage dans leur vie. » Il s’arrête, fixe le jury et conclut, laconique, « moi, j’attends le verdict. »

Après plus de trois heures de délibération le verdict est tombé. Maui Tuare est condamné à 6 années d’emprisonnement. Il a été conduit directement en prison.

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