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La guerre en Ukraine « peut rapidement créer des tensions dans le Pacifique »

Le contre-amiral Rey est commandant de la zone Asie-Pacifique (ALPACI) et commandant supérieur des Forces armées en Polynésie française (COMSUP FAPF).

Le Pacifique doit bien se sentir « concerné » par la guerre en Ukraine. C’est le message du contre-amiral Jean-Mathieu Rey, commandant des forces armées en Polynésie, pour qui l’invasion russe, en « remettant en cause l’ordre international », fait peser un risque de « désordre » voire « d’actions militaires » ailleurs dans le monde. D’où une « vigilance renforcée » dans la région et un travail plus que jamais capital sur la coopération. 

« La Russie a pris une lourde responsabilité en agressant l’Ukraine ». Pour le contre-amiral Jean-Mathieu Rey, l’invasion qui a débuté le 24 février est bien plus qu’un conflit européen. Depuis l’Indonésie, où il est en visite officielle, le commandant supérieur des forces armées en Polynésie française explique à Radio1 que cette guerre, en « remettant en cause l’ordre international », « fait peser un risque majeur sur la sécurité en Europe, mais aussi dans le monde entier ».  Le gouvernement de Vladimir Poutine, en lançant une offensive « contre un état souverain » a « contrevenu à tous les engagements qu’il a pris », « a violé la charte des Nations-Unies, et tous les principes fondateurs de l’ordre européen et international », pointe celui qui est aussi commandant de la zone de responsabilité Asie-Pacifique (Alpaci). « Cela peut créer rapidement des tensions supplémentaires dans le Pacifique et notamment en Extrême-Orient ».

Comme l’a rappelé Emmanuel Macron lors d’une allocution télévisée mercredi, la France n’est pas en guerre contre la Russie, et son armée n’est pas impliquée directement dans le conflit. Vu les tensions en Europe, des renforts ont certes été déployés dans certains pays alliés, une aide militaire et humanitaire a été accordée à l’Ukraine.. Mais le Pacifique n’est pour l’heure pas concerné, explique le contre-amiral : « Très concrètement, il n’y a pas de mouvements prévus à court terme, ni de troupes ni de matériel, ni à partir de Tahiti, ni à partir de Nouméa ».

Pas de mouvements de troupes, mais une vigilance renforcée

Les forces armées en Polynésie françaises « poursuivent leur mission », donc et notamment la surveillance des zones économiques exclusives et la défense des intérêts français dans la région. Toutefois le commandant de la zone Asie-Pacifique parle d’une « vigilance renforcée ». « La République française est une nation qui prône le multilatélatéralisme, le dialogue et la résolution pacifique des conflits, mais sans remettre en cause ces principes, l’accroissement de notre vigilance et celle de nos alliés et partenaires est nécessaire, reprend l’officier général. Il faut dire les choses clairement : il y a bien ce risque d’augmentation de tensions, et de désordre international pouvant engendrer d’autres actions militaires, d’autres guerres par d’autres acteurs ».

La Russie qui dispose d’une façade maritime sur le Pacifique, n’est donc pas la seule à faire l’objet d’une surveillance accrue. Le contre-amiral Jean-Mathieu Rey évoque la Corée du Nord, qui s’est opposée, à l’Onu, à toute condamnation de l’invasion de l’Ukraine et dont le régime a, dès le 27 février, procédé à un essai de missile en mer du Japon. Et c’est aussi Pékin qui est plus que jamais dans les radars. La Chine est un « compétiteur majeur dans le Pacifique », sa politique « agressive » en Extrême-Orient soulève beaucoup de questions du côté de l’armée, mais la France entretient « un dialogue permanent » avec Pékin, rassure l’Alpaci. Il note tout de même que le président chinois Xi Jinping et Vladimir Poutine avaient publié une déclaration commune remarquée en ouverture des Jeux Olympiques. « Ils partagent une vision du monde commune », précise le contre-amiral.

Refuser la logique des « deux blocs » dans le Pacifique

Comme beaucoup d’analystes et de responsables diplomatiques ou militaires, Jean-Mathieu Rey estime qu’il y aura « un avant et un après » la guerre en Ukraine. Dans cet « après », la stratégie Indo-Pacifique mise en avant par Paris, puis le 15 septembre dernier, par l’Union européenne, « reste pertinente ». Les partenariats et coopérations sur lesquels elle se base doivent même être « accentués » estime l’officier général. « Il y a une volonté française et européenne d’agir en puissance d’équilibre en refusant une logique de deux blocs (Chine d’un côté, et États-Unis de l’autre ) et en suivant avec les partenaires de la zone une troisième voie », explique-t-il. C’est d’ailleurs l’objet du déplacement actuel du contre-amiral en Asie du Sud-Est. Après Singapour le mois dernier et la Malaisie il y a quelques jours, le responsable enchaine les rencontres en Indonésie – qui vient d’acquérir des Rafales français – et va s’envoler vers les Philippines.

Le contre-amiral rappelle au passage que l’état-major français n’a pas attendu la guerre en Ukraine pour préparer l’armée à des conflits plus directs et plus violents. Le passage en mer de Chine et dans le Pacifique d’un sous-marin nucléaire d’attaque, l’année dernière, les opérations du groupe amphibie « Jeanne d’Arc » au Japon, les entrainements communs avec l’armée américaine – alliée et partenaire « historique » – ou la mission Heifara et ses Rafales en Polynésie, sont autant d’opérations destinées à s’exercer pour des affrontements de « haute intensité ». « On veut montrer très concrètement qu’on est prêt », précise le contre-amiral.

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