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Tamatoa Alfonsi, l’homme qui voulait être roi

Dès lundi le tribunal de première instance va s’atteler à une lourde tâche. Celle de juger 25 personnes impliquées dans ce que l’on peut considérer comme le plus grand trafic d’ice mis au jour en Polynésie. Un trafic qui a perduré durant près d’un an et demi, entre 2017 et 2018. À la tête du réseau qui, du Mexique, alimentait en ice le marché polynésien, Tamatoa Alfonsi. La justice le soupçonne d’avoir importé au moins quarante kilos d’ice. Il n’en avoue que quatre.

C’est quasiment un an jour pour jour qu’après avoir jugé le premier volet de l’affaire Sarah Nui, où quatorze personnes ont écopé de peines allant de deux à sept ans de prison, que la justice va se pencher, deux semaines durant, sur la deuxième partie de cette affaire où 25 personnes sont attendues sur les bancs des accusés.

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Si le premier volet concernait les petits réseaux de revendeurs à Tahiti, le second met en scène la partie internationale de ce trafic. Les principales figures de ce trafic, les têtes pensantes, sont désignées par la justice comme étant Tamatoa Alfonsi, 42 ans, et Maitai Danielson, 41 ans. Le premier, installé à Tijuana, se fournissait en ice auprès du cartel mexicain de Sinaloa, et le second, en Californie, était chargé de conditionner la marchandise, avant de la confier aux mules. Des mules de nationalité mexicaine ou américaine, et parfois des Tahitiens.

Outre Tamatoa Alfonsi et Maitai Danielson, sur le banc des prévenus se trouveront aussi les personnes impliquées dans la partie locale de ce trafic. Ceux qui passent les commandes, les « importateurs », mais aussi les « logisticiens » chargés d’accueillir les mules, de récupérer la drogue et de la distribuer aux revendeurs. Ceux-ci étaient aussi chargés de récupérer l’argent de la vente et de le faire convoyer par des mules qui remettaient les fonds à Maitai Danielson, qui les faisait passer ensuite à Tamatoa Alfonsi.

Tamatoa Alfonsi, l’homme qui voulait être roi

Dans un article de La Dépêche de Tahiti qui a eu accès à l’ordonnance de renvoi devant le tribunal de tout ce petit monde, on peut lire que le juge d’instruction considère Tamatoa Alfonsi comme le cerveau de ces opérations, n’hésitant pas à écrire, « il a changé considérablement le paysage polynésien en matière d’ice (…) Il y aura sans aucun doute eu un avant et un après Alfonsi. » De ces méthodes, de sa façon de gérer la marchandise et les hommes, il dira, « il a, de ce point de vue, fait du trafic international d’ice comme l’on fait du négoce de matières premières». Bref, un précurseur aux neurones bien huilés, comme en témoignent ceux qui l’ont connu, alors qu’il n’était qu’un gamin usant de nombreux bancs d’école et aussi pas mal de professeurs.

« C’était un mec super intelligent, en classe c’était un surdoué »

Tous s’accordent à dire que « c’était un mec super intelligent, en classe c’était un surdoué et dans toutes les matières. » Comme pas mal de ceux qui ont eu le droit à un bon ratio de matière grise, moins il en faisait, mieux il se portait : « c’était un fainéant, il venait rarement en cours, et quand il venait, il énervait les professeurs. Il les envoyait chier et leur disait qu’ils étaient nuls, qu’ils ne savaient rien. C’était un cas. » Une attitude qui lui a valu de se faire renvoyer de plusieurs établissements scolaires de Tahiti, « il a fait quasiment toutes les écoles, et à la fin il a atterri à Taaone car aucune autre école ne voulait de lui. » Comme pas mal de fortes têtes, il était plutôt apprécié de ses camarades, qui le décrivent comme quelqu’un de calme, « pas un violent. Tout le monde l’aimait. »

« Beaucoup parmi nous ont commencé à fumer avec lui »

Toutefois, déjà, sa part sombre commençait à émerger et son appétence pour l’argent facile aussi. « Il a commencé à dealer du paka à l’école quand on avait 12 ans, et beaucoup parmi nous ont commencé à fumer avec lui. » Et comme l’on ne prête qu’aux riches, on le considère aussi comme étant le premier à avoir importé de l’ice en Polynésie, ou du moins à en « démocratiser » son accès, l’ice étant alors prisée par les milieux aisés. « c’est avec lui que l’on y a goûté la première fois. »

Il s’acoquine avec le cartel de Sinaloa

Comme on le voit, Alfonsi serait l’homme de toutes les premières fois. Mais le plus étonnant reste toutefois les contacts et les liens que lui prêtent la justice avec le tristement célèbre cartel de Sinaloa. Comment un « petit Polynésien », pour reprendre l’expression favorite des politiciens locaux, arrive à s’acoquiner avec ce qui représente le gratin des trafiquants de drogue, mais aussi les plus violents.

Le juge chargé de l’instruction du dossier indique qu’Alfonsi était en lien « avec la grande criminalité organisée », et que des témoignages et des écoutes « ont démontré sa capacité à gérer ses arrestations par la police ou ses mises à l’amende par un procureur. » De plus, son domicile à Tijuana était semble-t-il gardé par des policiers corrompus. Mais là non plus, ceux qui ont fréquenté Alfonsi dans sa jeunesse ne s’étonnent pas : « c’est sa personnalité, ça lui ressemble bien. C’est un visionnaire ce mec-là ».

Quoiqu’il en soit, pour ce « visionnaire », une partie de ses prémonitions s’est réalisée. Des notes retrouvées dans sa cellule, alors qu’il était en détention en métropole après avoir été extradé des USA, font état de son ambition. « J’ai toujours su que je serais le boss, non, le parrain de Tahiti, toujours ! Depuis que je suis petit, je l’ai toujours su. »

Pour autant, certains s’étonnent de sa rapide ascension dans ce milieu suggérant que peut-être, dans l’ombre d’Alfonsi, « il doit y avoir quelque chose derrière, quelqu’un d’ici qui a de l’argent et qui utilise Tamatoa car lui n’a pas d’argent à la base. » Peut-être le fameux « monsieur M », dont l’existence n’a pas été démontrée, mais qui a été évoqué par Mercedes Dubaquier, lors de son procès en 2018 pour trafic d’ice ? Des interrogations, des suppositions auxquelles le procès apportera peut-être des réponses.

*Rappelons qu’en matière pénale, « toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie. »

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