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Thonier chinois pollueur : 35 millions requis pour l’exemple

Á droite, Jiang Jianbo l’armateur de la Zhoustan Pacific Tuna Pelagic Fishery. © PB

Le 12 mai dernier, un navire de pêche arborant pavillon chinois rejetait en mer, à 4 kilomètres du rivage de Arue, 450 litres d’eau mazoutée, suite à une avarie. L’armateur Jiang Jianbo de la compagnie mise en cause, la Zhoustan Pacific Tuna Pelagic Fishery était présent ce mardi au tribunal de Papeete pour plaider sa cause. Le délibéré sera rendu le 28 janvier prochain.

 Certes avec 450 litres d’eau mazoutées rejetée dans l’océan, on est loin des pollutions et marées noires engendrées par des navires dont les noms resteront gravés dans les mémoires, tels l’Amoco Cadiz ou le Torrey Canyon, mais c’est pour le principe, et c’est aussi la première fois en Polynésie qu’un capitaine et la société propriétaire d’un bateau sont poursuivis pour pollution marine.

Rappel des faits

Le 12 mai dernier un thonier avait été pris en flagrant délit de rejet volontaire d’hydrocarbures à 4 km des côtes de Arue. La trace de pollution avait été repérée par des pilotes d’Air Tahiti, et le navire avait été intercepté puis ramené au port de Papeete qu’il venait de quitter après plus d’un mois passé en carénage.

L’enquête a démontré, que le longliner de 40 mètres  Xin Shi Ji 203 avait rejeté en mer 450 litres d’eau polluée au gasoil, pompée dans ses cales. La pompe n’était pas équipée du filtre réglementaire en termes de prévention de la pollution, car celle-ci était hors d’usage.

Il faut savoir que la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires complétée par le protocole de 1978, dit « Marpol » autorise le rejet volontaire d’eau polluée dans deux cas. Le premier, si l’intégrité du navire ou des hommes d’équipages est en danger, et le deuxième, si le mélange non traité d’eau et d’hydrocarbures n’excède pas 15 ppm (Ndlr : unité de mesure utilisée pour calculer le taux de pollution)  en teneur d’hydrocarbures.

C’est sur ces deux points qu’ont débattu les parties en présence ce mardi au tribunal.

Les explications sur l’incident à l’origine de la pollution

Pour Jiang Jianbo l’armateur de la compagnie mise en cause, l’accident est survenu alors que l’équipage nettoyait les machines. Une rupture de canalisation soudaine a provoqué une inondation dans la salle des machines, risquant de compromettre toute l’alimentation électrique du thonier et d’endommager sérieusement les machines nécessaires à la propulsion du navire. « L’eau risquait d’envahir les cales et était susceptible de provoquer le naufrage du bateau » ajoute l’armateur qui indique que « c’était une situation d’urgence » répondant ainsi à la question du juge sur l’opportunité d’agir ainsi, alors que le bateau aurait pu être remorqué, vu qu’il n’était pas loin des côtes.

Aussitôt le chef mécanicien met en marche une pompe d’évacuation d’eau de secours, car le filtre de la pompe prévue pour ce cas était hors d’usage.

Ce sont donc 450 litres d’eau mazoutée qui ce sont directement déversées dans l’océan sans passer par des cuves de décantation. Apres analyse de la nappe, il s’avère que celle-ci dépasse à peine le taux d’hydrocarbures toléré par la convention Marpol, 15,2 ppm au lieu de 15 ppm.

Même si le dépassement est « minime » selon l’avocate de l’armateur,  elle est « avérée » selon les avocats de la Fédération des associations de protection de l’environnement (Fape) qui s’est portée partie civile.

« Localement, j’ai vu pire. C’est un navire plutôt bien entretenu. »

Pour l’expert mandaté par la défense du thonier chinois, si l’intégrité du navire n’était « pas vraiment en jeu » le mécanicien du bateau avait à intervenir sur deux urgences. L’inondation de la salle des machines et le rétablissement de l’alimentation électrique. Il reconnaît toutefois que le capitaine aurait pu stopper les machines et appeler le JRCC pour qu’ils viennent le remorquer. Quant à l’éventuelle vétusté du navire, il explique : «Il n’y a pas de contradiction à ce que ce navire prenne la mer. Localement, j’ai vu pire. C’est un navire plutôt bien entretenu. (…) C’est un rejet volontaire suite à un accident fortuit. »

« C’est un acte de vandalisme »

Pour la partie civile, « C’est un acte de vandalisme. Cette manœuvre aurait pu être évitée car il n’y avait de situation de détresse, la mer était calme et on était à 4 km des côtes, le navire aurait pu être remorqué. Il n’y avait pas de situation d’urgence. (….) On vient en Polynésie pour la qualité de ses eaux et le préjudice psychologique est irréversible ainsi que la pollution établie. » Un avis que partage Winiki Sage, président de la Fape.

Trois millions Fcfp sont ainsi demandés au titre de préjudice morale ainsi que 1 500 000 Fcfp au titre du préjudice écologique.

Pour le procureur de la République, pas de doute, « s’agissant de la matérialité des faits, ils sont prouvés. Il ne devait pas y avoir de rejets directs en mer mais il y en a eu.» Pour lui, « la pollution est due à des carences répétées de l’entretien. » et il sollicite une amende de 30 millions à l’encontre du capitaine, montant dont la société Zhoustan Pacific Tuna Pelagic Fishery devra prendre en charge 90%, et 5,8 millions Fcfp pour Jiang Jianbo l’armateur.

Requête d’irrecevabilité déposée

Pour la défense, Me Anne-Laurence Michel, a de son coté évoqué l’irrecevabilité de la demande. Elle s’appuie sur des règlements qui stipulent que l’État français a obligation de signifier qu’elle engage des poursuites contre l’État dont le navire arbore le pavillon, en l’occurrence la République populaire de Chine. Laquelle de son coté a six mois pour engager des poursuites contre le thonier. Selon l’avocate cette procédure n’a pas été engagée et l’État a manqué à ses obligations

Pour elle, « On n’est pas dans un dossier de dégazage mais de pollution accidentelle, quant à la décision du mécanicien de pomper l’eau, elle était nécessaire. » Et d’affirmer que « incendie et montée d’eau sont des cas d’urgence sur un navire. Le rejet des eaux est licite et a été fait dans un cas d’urgence »

La décision sera rendue le 28 janvier prochain.

 

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