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Cinq années d’inéligibilité requises contre Cyril Tetuanui

Cyril Tetuanui, maire de Tumara’a et président du SPC-PF, était convoqué devant le tribunal correctionnel ce mardi pour détournement de fonds publics, faux et usage de faux, et escroquerie. En cause, des contrats de bétonnage passés entre la commune et des entreprises de Raiatea. Il aurait signé des attestations de fin de travaux et touché des subventions du Pays, alors qu’il restait encore près de 1500 mètres de servitudes à bétonner. Le procureur a requis trois ans de prison dont deux avec sursis probatoire pendant trois ans, et cinq années d’inéligibilité, avec exécution provisoire. Également poursuivi dans deux autres affaires, le harcèlement de son directeur technique et l’utilisation à des fins personnelles d’un bateau de la commune. La décision est attendue le 13 février prochain. 

Cyril Tetuanui affiche la mine des mauvais jours. Pâle, les yeux cernés, il sent qu’il ne va pas être à la fête et que l’inéligibilité d’un an à laquelle il avait été condamné en 2012 pour détournement de fonds communaux, mais à laquelle il avait échappé suite à un dysfonctionnement judiciaire, risque d’être de nouveau d’actualité.

La justice lui reproche d’avoir signé une attestation de fin de travaux alors que seuls 1 500 mètres de servitudes de la commune avaient été bétonnés au lieu des 2 945 prévus. Des travaux pour lesquels le Pays avait versé une subvention de 28 millions alors qu’au vu des travaux réalisés, la subvention n’aurait dû être que de 12 millions.

Pour sa défense il assure « avoir fait confiance à ses adjoints » tout en reconnaissant que ce n’était pas la première fois qu’il se retrouve à la barre à cause des services techniques. « J’ai toujours plein de papiers à signer, je suis très occupé avec le SPC, (Syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française, dont il est le président, NDR) et j’ai signé sans regarder. »

Un chantier terminé en 2015, au grand étonnement du juge. « Pendant quatre ans  (l’affaire avait été révélée par la CTC début 2020) vous ne vous êtes pas rendu compte que les travaux n’ont pas été faits ? » « Non, je ne savais pas quelles servitudes devaient être bétonnées. » « Pourtant c’est vous qui aviez lancé les travaux et réclamé des subventions pour ceux-ci. Quand vous signez ce document c’est pour toucher la subvention, non ? » « Oui mais si j’avais su je ne l’aurais pas signé. »

Les services techniques incriminés par Cyril Tetuanui ont, lors des auditions, déclaré que le maire passait par-dessus eux pour s’adresser directement aux travailleurs sans que la direction des services soit au courant. Cyril Tetuanui nie et minimise ces interventions. Il assure que si certaines servitudes n’ont pas été bétonnées, c’est que ces adjoints « n’ont pas fait suivre cette information. » Difficile toutefois de faire l’impasse sur cette information quand des réunions entre services techniques et le premier magistrat de la commune ont lieu toutes les trois semaines.

« Il fallait trouver un moyen pour garder les financements. »

Appelé à la barre, le responsable des services techniques avoue, « il fallait trouver un moyen pour garder les financements même si les travaux n’étaient pas terminés et les finir à notre rythme. » Par peur de perdre les financements, c’est « le seul moyen qu’on a trouvé. Facturer les matériaux de construction et demander aux fournisseurs de les mettre de côté. » Il l’assure, le maire savait que les travaux n’étaient pas finis. « On a eu des réunions de l’avancement des travaux et tout le monde le savait. » Sur la décision d’arrêter les travaux de bétonnage, « c’est le maire qui a décidé. » D’autant que pour signifier la fin des travaux le maire doit se rendre sur place avec les services techniques pour constater de visu. « Mais je leur faisais confiance, moi » réitère Cyril Tetuanui de plus en plus dans la tourmente.

Quant aux matériaux payés en avance et normalement mis de côté par les fournisseurs, 9 000 sacs de ciment, une partie a été perdue, et l’autre affectée à d’autres opérations sans que l’on sache lesquelles, alors qu’ils auraient dû servir à achever les travaux de bétonnage. Pour l’un des fournisseurs de matériel, le constat est simple : « Je ne suis pas à l’origine de ces bons de commandes ni de livraison (…) je n’étais pas au fait de savoir si les travaux étaient finis ou pas. » Quand aux bons de sortie pour plus de 9 000 sacs de ciments alors que ceux-ci sont restés dans son entrepôt, il l’assure « je dois toujours livrer les sacs ou alors rembourser ce qui m’a été payé. » Visiblement personne à la commune ne s’est inquiété de ce fait. Concernant le concassage cette fois, sur 1 014 m3 commandés et payés, seul 7 m3 ont été récupérés par la commune. Là aussi, on est sans nouvelle des 1 007 m3 restant.

Pour le Pays, « c’est un dossier sorti grâce à la CTC qui a mis en lumière ce chantier de bétonnage qui date de 2010. (…)  Cinq ans pour faire 3 000 m de bétonnage alors que seule la moitié a été faite, alors que la subvention a été intégralement versée en 2015 à la suite de l’attestation de fin de travaux signée par le maire. » Quant au fait que personne n’a relevé que les travaux n’ont pas été finis, cela le laisse « sans voix ». Pour lui, « La Polynésie a été bernée, il y a du faux, de l’escroquerie et du détournement de fonds publics. Cela montre que l’on fait peu de cas des deniers publics » et selon lui, « le préjudice pour le Pays est de 16 millions. »

« C’est un argument pas très convaincant, cette cécité au moment de signer. »

Quant au procureur, celui-ci estime que « M. Tetuanui a fait usage de faux en écriture qui relève de la récidive. Il a signé un document d’achèvement des travaux pour débloquer la dernière tranche de subvention. Alors que les travaux pas n’étaient pas achevés. C’est donc sciemment qu’il a signé le document. » Sur sa défense, « on a l’impression qu’il signe des documents officiels sans savoir le contenu de ceux-ci. Il signe les yeux fermés. C’est un argument pas très convaincant, cette cécité au moment de signer. Il se défausse sur les services techniques alors que ce ne sont que des exécutants du maire. »

Sur l’escroquerie : « Il a trompé le Pays en se faisant remettre des fonds alors que les travaux n’étaient finis. Des fausses facturations. L’élément intentionnel est clair. Il ne pouvait ne pas être au courant en tant que premier responsable de la commune. » Pour le détournement de fonds publics « des matériaux ont été acquis et utilisés à d’autres fins. Lesquelles, on n’en sait rien.»

Il requiert trois ans de prison, dont deux avec sursis probatoire pendant trois ans. L’obligation de rembourser le Trésor public, ainsi qu’une inéligibilité pendant 5 ans avec exécution provisoire et l’interdiction d’exercer une fonction publique. Il réclame aussi la révocation du sursis prononcé en septembre 2011, dans laquelle Cyril Tetuanui avait été condamné pour prise illégale d’intérêt, abus de confiance et faux en écriture. Il avait écopé de 12 mois de prison avec sursis simple et 1 an d’inéligibilité.

« Mon client est un modèle, l’un des élus les plus influents par son engagement quotidien. »

« Je suis effaré par le réquisitoire du procureur » attaque d’emblée le défenseur de Cyril Tetuanui. « Tout ce que l’on peut reprocher à mon client c’est de signer sans regarder. » Pour la défense, aucune des infractions reprochées « n’est un tant soit peu caractérisée. Il n’y a aucun enrichissement personnel. » Et de conclure, « Mon client est un modèle, l’un des élus les plus influents par son engagement quotidien. Il a la volonté de bien faire et ce n’est pas du tout la personne qui a été décrite par le ministère public. Il ne mérite pas les peines qui ont été requises. »

 

Interrogé à la sortie du tribunal, Cyril Tetuanui persiste et signe, « voilà ce qui arrive quand on fait confiance aux techniciens, (…) moi j’ai servi ma population, je n’ai pas touché un rond. »

À noter que l’élu comparaissait aussi pour deux autres affaires, l’une ayant un rapport direct avec la précédente, à savoir le harcèlement de son ancien directeur technique qui assure avoir été sanctionné à la suite de son témoignage dans l’affaire des contrats de bétonnage. Il aurait été « mis au placard ». Dans cette affaire le procureur a requis six mois de prison assorti de 5 ans d’inéligibilité et d’une amende de 300 000 fcfp.

Quant à la troisième affaire, la justice lui reproche d’avoir utilisé un bateau de la commune à des fins personnelles. Un bateau censé n’être dédié qu’aux opérations de surveillance, d’assistance et de secours en mer. Mais le bateau aurait été loué pour des mariages, enterrements ou compétitions et les frais de carburant, 300 000 fcfp, imputés à la commune. Là aussi le procureur a requis 5 ans d’inéligibilité avec l’interdiction d’exercer une fonction publique ainsi que 300 000 fcfp d’amende.

Dans ces trois affaires, le délibéré sera rendu le 13 février.

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