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Le port « passe à l’action » sur les vieux bateaux… mais le Corsaire reste au fond de l’eau


Le Port autonome, qui abrite une soixantaine de navires abandonnés ou en fin de vie, a lancé un plan d’action pour en retirer un maximum de l’eau. Une façon de récupérer de précieux espaces et d’éviter des situations comme celle du Corsaire, qui a coulé avec des substances polluantes à bord près du pont de Motu Uta en 2022. L’épave devrait y rester encore de longs mois : le deuxième appel d’offre sur son démantèlement a été déclaré infructueux.

Renflouer, dépolluer, démanteler. C’était l’objet de l’appel à candidatures lancé l’année dernière par le Port autonome à propos du Corsaire. En octobre 2022, après une quinzaine d’années d’immobilisation dans le port, l’ancienne navette maritime qui avait un temps desservi Moorea et les Raromatai sous la bannière de Aremiti, avait finit par couler, près du pont de Motu Uta. Quinze mois plus tard, l’épave est toujours au fond de l’eau, entourée d’une barrière de protection anti-pollution après plusieurs épisodes de remontées d’hydrocarbures.

Des fûts et des hydrocarbures à faire retirer

Ces fuites n’ont pas été une surprise. Il reste à bord de nombreux « polluants », que ce soit dans les réservoirs du navire ou dans les fûts qui ont été entreposées à l’intérieur par son propriétaire. À la direction du port, on estime plutôt que c’est une « chance » qu’une pollution plus importante n’ait pas encore eu lieu. C’est justement pour éviter un tel accident que l’autorité avait choisi, dès la fin 2022, de financer elle-même, avant d’éventuels remboursements, des mises en sécurité de l’épave et de lancer un premier appel d’offres pour le renflouement. Un deuxième suivra à la mi 2023, donc, et a trouvé en début d’année la même issue : il a été déclaré infructueux. Les deux offres reçues – celle d’une entreprise polynésienne de travaux maritimes et d’une société fidjienne – n’ont « pas convaincu » le port, explique son directeur Jean-Paul Le Caill. Trop cher pour la première, trop incertaine sur le plan technique et environnemental pour la seconde, qui proposait de tracter le navire jusqu’à Suva. Le Corsaire est donc bien parti pour rester au fond de l’eau pour de longs mois.

Le port prépare tout de même un autre appel à candidatures, qui se concentrera cette fois sur la dépollution, sous l’eau, de l’épave. Elle devrait, si un prestataire aux tarifs « raisonnables » est trouvé, se faire dans l’année. Pour le reste, l’établissement public a lancé une « réflexion » mais attend surtout que le propriétaire du Corsaire prenne le relais. Et de ce côté non plus, l’affaire n’est pas simple. Le groupe Degage, et plus précisément sa filiale ad hoc Copropriété Maritime Corsaire, a été mis en demeure de passer à l’action dès la fin 2022. Mais il a refusé, expliquant avoir vendu le navire à l’entreprise Tahiti Cruises dès 2018. Une cession, oui, mais sans les déclarations adéquates, et qui n’est donc pas opposable aux autorités, avait estimé le tribunal administratif en mai dernier. La société, gérée par Eugène Degage, a fait appel de cette décision. Ce n’est qu’à l’issue de cette procédure que le responsable désigné devrait – théoriquement du moins – prendre en charge le renflouement. Et rembourser le port pour la dépollution.

Soixante bateaux en fin de vie 

L’affaire a de quoi interpeller sur les risques que représentent les vieux bateaux qui s’accumulent sur les quais. Au cours d’une étude menée l’année dernière, le port en a recensé 60 dans les eaux sous sa juridiction – à Papeete, mais aussi à Uturoa et Moorea. Et à entendre son directeur « le plan d’action a été lancé » pour en retirer. Cinq « petits » bateaux sortis du port de Papeete en 2023 et stockés sur un terrain de Motu Uta, et cinq autres, des voiliers, ont déjà été démantelés à Raiatea. Cinq encore, sur les 17 navires navires abandonnés répertoriés à Vaiare, sont prêts à être sortis de l’eau et stockés sur un terrain attenant à la marina de Moorea. Reste à s’attaquer aux plus gros specimens, notamment la quinzaine de vieux thoniers et autres navires professionnels qui s’entassent du côté du port de pêche. Le premier, l’Oiseau des îles, est désormais prêt à être remorqué, puis démantelé aux cales de halage. Il a fallu de longs mois de procédure – la justice doit constater, à chaque fois, la défaillance d’un propriétaire, pour pouvoir autoriser l’action des autorités – et de passation de marché pour en arriver là. Mais les autres dossiers pourraient être plus rapides, assure Jean-Paul Le Caill. « Les premiers il faut mettre en place la procédure, et c’est une procédure judiciaire qui peut être longue et compliquée. Mais je pense qu’une fois qu’on aura plus l’habitude de traiter ces problèmes-là, ça avancera plus facilement, ça sera plus simple », explique le directeur.

Pour « simplifier » davantage la procédure, des marchés à bons de commandes – qui permettent de grouper plusieurs chantiers dans un même appel d’offres et de les faire exécuter au fur et à mesure des besoins – devraient être lancés sur ces démantèlements. « 2024 devrait être une année très active sur ce sujet », précise le directeur, qui assure que l’établissement public, en plus de l’élimination des vieilles carcasses, fait en sorte d’éviter que d’autres embarcations ne deviennent des épaves. « Depuis quelques mois, on active ce qu’on appelle les surveillants de port, qui aident nos officiers en faisant des tournées régulières dans toute la circonscription portuaire, et notamment du côté de Taina, et au large du parc Vairai, reprend Jean-Paul Le Caill. Ils recensent, à peu près trois fois par semaine le nombre de bateaux qu’il y a sur place, les bateaux qui ne bougent pas, les bateaux qui viennent et qui s’en vont… Et on va maintenant entamer une deuxième phase en collaboration avec la gendarmerie maritime pour verbaliser les propriétaires », ceux qui ne respectent pas les règles de mouillage, laissent dépérir leur embarcation ou s’installent au long terme sur des mouillages.

Le directeur dit aussi attendre avec impatience la généralisation du téléservice « Escales ». Un système de régulation et de surveillance des départs et des arrivées de bateaux en Polynésie, qui est pour l’instant appliqué aux paquebots. La DPAM veut l’imposer dans les prochains mois aux plaisanciers, et Jean-Paul Le Caill y voit un moyen de « dissuader les gens de rentrer en Polynésie sans avoir un emplacement où s’amarrer ». « On a des marinas, des mouillages, il faut que les gens fassent comme dans tous les autres pays et aillent au bon endroit. » Des endroits qui manquent, d’après les voileux et notamment les prestataires de charters nautiques qui prévoient déjà un recours contre la généralisation d’Escales.

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