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Covid : l’ordre des médecins recadre les prescriptions d’Ivermectine

Entre espoirs et fantasmes, les traitements contre le Covid agitent le débat depuis des mois. Après l’hydroxychloroquine, c’est l’ivermectine, un antiparasitaire dont l’efficacité contre le Covid n’est pas établi, qui fait l’objet de demandes de patients et parfois de prescriptions de médecins. Ils en ont le droit par principe, rappelle le conseil de l’ordre, mais ces ordonnances « hors AMM » doivent être très encadrées et sont l’entière responsabilité du prescripteur.  

Pas de « chasse aux sorcières », mais des mises en garde et rappels importants. Dans un communiqué diffusé en fin de semaine, le Conseil des l’ordre des médecins de la Polynésie française rappelle sa position concernant la prescription de « spécialités pharmaceutiques hors AMM ». L’AMM, c’est « l’autorisation de mise sur le marché », le sésame qui doit être accordé à chaque médicament par les autorités sanitaires, et qui établit, en plus de la composition, des bénéfices, risques ou contre-indications, le champ d’utilisation de chaque produit. Depuis le début de la crise Covid, l’ordre des médecins a plusieurs fois été alerté de prescriptions « hors AMM », c’est-à-dire en dehors du cadre d’utilisation dûment testé par les laboratoires, et validé par les organismes de sécurité médicale. C’était le cas, en 2020, de l’hydroxychloroquine, qui après de longs mois de débat, n’a pas apporté la preuve de son efficacité. C’est aujourd’hui davantage l’Ivermectine qui est au centre des attentions. Beaucoup, sur les réseaux sociaux présentent ce médicament, normalement réservé aux traitements de parasites humains ou animaux, et qui n’a pas fait l’objet d’essais cliniques pour ce qui est des virus respiratoires, comme un traitement curatif ou préventif du Covid. Et quelques médecins du fenua acceptent d’en prescrire à leurs patients.

Utilisation non-conforme mais autorisée

Cette utilisation est « non conforme à l’AMM », mais pour autant pas illégale, pointe l’Ordre qui avait déjà exprimé, fin 2020, son attachement à la liberté de prescrire. Ces ordonnances hors AMM, doivent toutefois « demeurer exceptionnelles », « se limiter strictement à l’intérêt des patients, dans une approche au cas par cas » et surtout « relèvent de la responsabilité personnelle pleine et entière » des médecins, précise l’organisme représentatif de la profession. « Toute prescription doit rester conforme aux données acquises de la science et à la réglementation en vigueur, médicalement justifiée et ne pas être susceptible de donner lieu à un mésusage ou de faire courir aux patients un risque injustifié » lit-on dans ce communiqué. De plus, comme le rappelle le président du Conseil de l’ordre, le Dr Nedim Al Wardi, ces prescriptions « imposent une information éclairée » du patient, sur les bénéfices et les risques encourus.

 

Si les mots du président du conseil sont si pesés et prudents c’est que le sujet de la liberté de prescription est sensible dans le milieu médical, surtout en ces temps de crise. Les praticiens, libéraux ou hospitaliers, sont sans cesse pris à partie sur les « traitements » du Covid, qui d’après certains commentateurs, bien plus présents sur les réseaux sociaux que dans la communauté scientifique, « pourraient éviter tous ces décès ». Un discours qui agace, voire attriste, les soignants du Taaone. « Nous, on fait de la médecine, on fait de la science, les gens qui disent ça ne savent pas vraiment de quoi ils parlent, réagissait ainsi le Dr Mélanie Tranchet, une des responsables des urgences, en pleine montée épidémique la semaine dernière. Je crois que c’est très grave de faire de la désinformation comme ça. Si on avait des traitements qu’on pouvait donner à la maison, évidemment qu’on les donnerait ». L’urgentiste rappelle que les médecins utilisent « tous les outils à leur disposition » pour aider leurs patients – l’oxygène est généralement leur principal besoin, mais plusieurs médicaments, adaptés à chaque patient, peuvent être prescrits pour aider à combattre la maladie -, et « s’informent au jour le jour des publications scientifiques » sur la question.

Des recherches de traitements en cours

Si quelques médecins disent « comprendre » les tentatives de certains de leurs confrères, « désemparés face à l’épidémie », de proposer un traitement à leurs patients, tous les professionnels interrogés insistent sur l’absence de base scientifique à l’utilisation de l’ivermectine, parfois qualifiée de « phénomène de mode ». La molécule n’a pour l’instant pas d’effet démontré pour lutter contre le Covid, ce qui ne veut pas dire que la question ne se pose pas. En avril, l’Agence nationale de sécurité du médicament, a jugé les données trop faibles pour étendre, même temporairement, son AMM, mais a appelé à de plus larges expérimentations. Début juillet, l’Institut Pasteur a publié une étude où ses chercheurs avaient observé sur des hamsters une réduction des symptômes suite à l’administration de cette molécule. Mais aucun modèle humain n’a pour l’instant confirmé ces résultats, et aucun protocole médical validé n’est à ce jour sur la table. Les autorités sanitaires américaines ont même averti de risques après l’hospitalisation de patients qui avaient ingéré une version du médicament destinée aux chevaux (l’ivermectine est très utilisée en médecine vétérinaire, toujours contre les parasites).

Le laboratoire américain Merck, qui commercialise le produit, a lui-même assuré que le « potentiel effet thérapeutique contre le Covid-19 n’a aucune base scientifique » et averti de possibles risques si le médicament n’était pas correctement administré. Des expérimentations complémentaires sont toutefois en cours, notamment en Indonésie et plusieurs pays expérimentent d’autres molécules, connues ou nouvelles. « Tout le monde souhaiterait qu’il y ait des solutions thérapeutiques à proposer face à cette maladie », résume un autre médecin de l’hôpital. Avant de rappeler que, même si leur efficacité est loin d’être parfaite, les vaccins contre le Covid ont été beaucoup plus testés et ont montré beaucoup plus d’intérêts contre l’épidémie que n’importe quel molécule curative à ce jour.

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