ACTUS LOCALES

André Manoukian : sans improvisation, « on est un peu coincé du cul »


André Manoukian est de retour au fenua pour une « conférence pianotée », Les Notes qui s’aiment, dans laquelle il veut partager son amour immodéré pour la musique. De l’Antiquité à Duke Ellington, de Sheila à Beethoven, de ses années de solfège à sa passion pour les divas, le très médiatique jazzman, qui manie l’improvisation aussi bien que la punchline, promet de l’humour, de la pédagogie et un brin d’émotion au public du fenua qu’il attend de retrouver avec impatience. Interview, avant son one-musician-show du 3 décembre à l’Intercontinental Tahiti.

Revenir jouer à Tahiti, c’est réveiller des « souvenirs très émus » pour André Manoukian. Le pianiste de jazz, connu pour ses apparitions médiatiques autant que pour ses collaborations éclectiques, était venu en 2013, déjà à l’invitation Radio1, et déjà sur le motu de l’Intercontinental Tahiti. Il s’était alors produit avec la chanteuse américaine China Moses, une première de ce duo qui fera des dizaines de scènes ensemble. Entre autres parce que la soirée avaient été une réussite : « Je me souviens d’un public très chaleureux, très démonstratif, et ça, nous, les artistes, on adore ça ».

Cette ambiance, André Manoukian devrait la retrouver ce samedi 3 décembre sur le motu, mais cette fois, il sera seul sur scène. Ou pas complètement : il sera devant son piano pour un one-musician-show, pourrait-on dire. une conférence pianotée, comme il aime le dire et dans laquelle il cherchera à transmettre au public son amour immodéré pour la musique.

André Manoukian sur la scène du motu en 2013 avec China Moses. « Vous êtes le meilleur public du monde ! » avait-il lancé à la foule.

Mozart ou Bach faisaient des battles « avant Booba et Kaaris »

La musique jazz en particulier, dont la découverte, pour ce fils de musicien éveillé très tôt à la musique classique, avait marqué un tournant de vie. « Quand vous êtes un enfant et que vous apprenez le piano classique, le solfège et la lecture, vous êtes un peu coincé du cul, » rigole-t-il. Alors comment ne pas être impressionné par ces « musiciens libres » qui jouent des cascades de notes avec comme seule partition une petite grille marquée « d’accords cabalistiques » ? L’improvisation devient une passion, une obsession pour André Manoukian, qui raconte dans le spectacle comment les écoles de musique, transformées en conservatoires pour faire apprendre et jouer la musique des grands compositeurs, ont peu à peu fait oublier que ces musiciens historiques savaient « tous improviser ». Beethoven, Liszt, Bach qui avait flatté un thème « complètement naze » qui lui présentait Frédéric II de Prusse avant de le sublimer sur le vif. Mozart, qui dès l’enfance aimait essayer de trouver « les notes qui s’aiment » – et qui donneront un nom au spectacle – s’adonnait même à des « battles », dont l’une, avec l’Italien Clementi, est restée dans les annales. « On n’a pas attendu Booba et Kaaris pour ça, » s’exclame le musicien qui veut réhabiliter « l’impro » dès le plus jeune âge : « on a oublié que dans jouer de la musique, il y a le jeu ».

Lui sait jouer, avec toutes les musiques – il parle de Wagner, de Sheila et cite Duke Ellington qui distinguait « deux types de musique : la bonne et la mauvaise » – mais aussi le verbe, puisant dans son parcours personnel pour mettre le public au diapason. Sur scène, Manoukian parle de son amour pour le chant, ce « strip-tease émotionnel », et pour les divas, ce « qui lui a valu bien des déboires », traite du métissage des rythmes, dissèque la physique des sons, et disserte sur « la musique apollinienne, celle qui emmène vers le cosmos par sa pureté » comme « de la musique dionysaque, celle qui réveille des choses bestiales ». Le spécialiste, passé par la prestigieuse Berklee School of Music, explique aussi en détail et en musique, comment les sentiments puissants peuvent façonner des compositions à succès : « Vous pouvez gagner du pognon avec votre chagrin d’amour », rigole-t-il.

« La musique, mélange explosif de spiritualité et d’érotisme »

L’humour et la punchline, c’est un peu la marque de fabrique du compositeur, qui a travaillé dans l’ombre d’Aznavour ou de Janet Jackson avant de devenir un grand habitué des médias – sur France Inter notamment, où il tient des chroniques musicales régulières – depuis son passage dans le jury de La Nouvelle Star. « Je tiens ça de ma grand-mère qui a dû sa survie à la tchatche, raconte le Lyonnais d’origine arménienne. Elle avait plus ou moins convaincu un commandant turc qui la déportait vers la mort de l’épargner ». De sa famille, André Manoukian garde aussi un important héritage musical, celui des sons d’Orient « où on mélange le majeur et le mineur, la tristesse et la joie » et qu’il compte bien faire explorer au public le 3 décembre. Explorer l’espace et surtout le temps. Des Romains qui torturaient les Chrétiens avec « 300 flûtistes fatalement désaccordés » au rapport entre Robespierre et la naissance du jazz (il y en a un !), en passant par Sheila, les pyramides ou Claude François, le piano-conférencier fait contempler l’Histoire par le petit bout de la trompette. Mais n’en oublie pas les émotions. « La musique étant ce mélange explosif de spiritualité et d’érotisme, de mathématiques et de folie, on est bien obligé de naviguer entre ces deux pulsions, décrit-il. Et c’est quand on les accepte finalement qu’on est en paix avec elles et qu’on a pigé le plus grand cadeau que nous fait la musique, c’est qu’elle doit vous faire voyager ». 

« Je défie quiconque de résister » aux chants polynésiens

Un voyage qui sera pour André Manoukian l’occasion de reprendre contact avec un vieil amour : la musique polynésienne et notamment ses chants. Les artistes de passage disent tous apprécier les sons du fenua, mais le pianiste, qui était déjà venu dans les années 80 avec le chanteur Nicolas Peyrac, en parle avec une implication particulière. « Quand il n’y a pas de musique, un endroit paradisiaque ça ne ressemble à rien du tout, sourit-il. Et ce qui fait la beauté des îles polynésiennes, ce sont les gens et leur musique ». Les cœurs et la langue qui « envoûtent » par leur douceur, et qui se mélangent aux rythmes « profonds et entrainants »… Un « art total » qui ne peut pas laisser indifférent : « Les chants polynésiens, c’est la beauté mise en musique ».

André Manoukian seul en scène dans Les Notes qui s’aiment, c’est le 3 décembre au Motu de l’Intercontinental Tahiti. Les billets sont en vente sur Ticket-pacific.pf, dans vos magasins Carrefour et à l’accueil de Radio1 et Tiare FM à Fare Ute.

 

 

 

Article précedent

La chanson des CM2 de Tiarei sera-t-elle l'hymne des scolaires aux JO de Paris 2024?

Article suivant

La fertilité masculine décline sur Terre, alertent les scientifiques

Aucun Commentaire

Laisser un commentaire

PARTAGER

André Manoukian : sans improvisation, « on est un peu coincé du cul »