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FIFO : Makatea à l’heure du choix

Pour cette 18e édition du Fifo, neuf films sont en compétition dont Makatea, la terre convoitée de Claire Perdrix. La réalisatrice raconte l’histoire des gens de la terre de cette île des Tuamotu alors que l’extraction du phosphate pourrait reprendre.

Cette histoire, c’est « David contre Goliath », résume la réalisatrice Claire Perdrix. Elle a signé un documentaire sur Makatea présenté en compétition au 18e Fifo. À cette occasion, elle donne la parole aux gens de la terre, ceux qui vivent du coprah, du fa’a’apu, du kaveu. En parallèle, elle plonge dans l’histoire hors du commun de cet atoll et évoque le projet de réouverture des mines de phosphate.

Un combat d’arrière-garde

« Je n’ai pas fait d’enquêtes et ce n’est pas un acte militant », précise Claire Perdrix à propos de son travail.  « J’ai donné la parole aux habitants de Makatea qui ont fait le choix de la terre. » Elle dit avoir rencontré des représentants de la société qui envisage la reprise de l’exploitation du phosphate à Makatea. Elle a entendu leurs promesses de réhabilitation. Mais elle a été frappée par leur discours opposant croissance et modernité d’un côté et terre et archaïsme de l’autre. « Cette idée m’exaspère. On voit partout où nous mène l’industrialisation à tout va, l’hypercroissance. C’est un combat d’arrière-garde ! »

Bar, théâtre, cinéma

Dans les années 1960, des ouvriers du monde entier ont afflué vers Makatea pour vivre la plus grande aventure industrielle de Polynésie française. L’or blanc (c’est ainsi qu’avait été baptisé le phosphate) de cet atoll soulevé a été exporté par milliers de tonnes vers la Nouvelle-Zélande, le Japon. Il permettait d’amender les champs pour augmenter le rendement agricole. Claire Perdrix décrit cette période folle, images d’archives à l’appui. Pas moins de 4 000 personnes travaillaient et vivaient à Makatea, ils se divertissaient aussi. Dans le village construit pour l’occasion se trouvaient école et hôpital mais aussi magasin, bar, théâtre, cinéma. Un train transportait la marchandise. « En faisant mes recherches avant de me rendre sur place, j’ai pris conscience que toute cette histoire était méconnue, en métropole bien sûr, mais aussi en Polynésie », rapporte Claire Perdrix.

Makatea est un atoll des Tuamotu dit « soulevé ».

En 1966, les priorités ont changé en Polynésie. Le territoire est entré dans l’ère du CEP. Tout s’est arrêté du jour au lendemain ou presque, les mines ont fermé en 48 heures, les ouvriers ont été envoyés à Mururoa. Aujourd’hui Makatea ne compte plus que 78 personnes, elle porte toujours les cicatrices de sont passé. Quant à son avenir, rien n’est encore joué, mais le dénouement est en cours.

Dans le documentaire, Ruben, Jacky, Jenny décrivent leur quotidien. Le sol de l’île est extrêmement riche, les fruits et légumes poussent à bon rythme sans intrants, les crabes prélevés en juste quantité sont une ressource fidèle. Ces habitants plaident pour un devenir durable. Ils envisagent, au besoin, un tourisme respectueux. Ils explorent des pistes pour conserver leur mode de vie. La réouverture des mines ne fait pas partie des choix. « Pourquoi changer un truc qui marche ? « 

Créer de l’emploi

D’autres, comme le tavana Julien Mai, rêvent d’une reprise de l’exploitation du phosphate. Nostalgique de la « grande époque » de Makatea, lui ne veut pas se contenter de la terre pour sa population. Il veut « voir loin ». Il a le soucie de la création d’emplois. « Pourquoi ne pourrait-on pas être comme les autres ?  » Ce à quoi Ruben répond : « Est-ce que cela vaut vraiment le coup de détruire à nouveau notre île, car ensuite, une fois l’exploitation terminée on n’aura alors vraiment tout perdu, on ne pourra plus faire du coprah et les crabes ne reviendront pas ! «  Il rappelle la valeur de son île mais aussi sa fragilité.

L’atoll bénéfice d’une importe réserve d’eau et d’un sol riche en phosphate.

Le choix est cornélien, d’un côté se présentent : l’emploi, l’argent, la modernisation, le désenclavement, de l’autre un avenir considéré comme plus modeste, mais durable. Claire Perdrix a mis l’accent volontairement sur les gens « soi-disant archaïques » pour montrer les menaces. Toutefois elle ne juge pas ceux qui optent pour le retour des mines. « La situation est complexe. C’est facile d’avoir une vision romantique de l’extérieur, lorsqu’on ne vit pas sur place. Mais il n’y a pas les méchants d’un côté et les gentils de l’autre. » Avec son documentaire, la réalisatrice a seulement eu l’intention de faire connaître la situation au plus grand nombre et d’encourager les uns et les autres à prendre la mesure à long terme des décisions à venir.

4 films sur la Polynésie hors-compétition

La Polynésie française a inspiré les réalisateurs de cette 18e édition. Parmi les 11 films hors-compétition, 4 traitent du fenua. Lionel Boisseau a signé un documentaire intitulé Les Explorateurs russes en Polynésie, l’histoire continue, « Antoine Laguerre a réalisé « Gambier, le crépuscule des idoles », François Reinhardt « Tahiti, l’invention du paradis » et Frédéric Bouquet-Grill « La Route des arts – regards sur les objets polynésiens ».

 

Pratique

Du 9 au 14 février en ligne sur www.fifotahiti.com.

Les neuf films en compétitions et les 11 films hors-compétitions seront accessibles en accès payant. Tarif : 250 Fcfp à l’unité pour 24 h, 150 Fcfp avec la carte (500 Fcfp) Fifo lover. Le pass Fifo addict pour un accès à tous les films est à 3 500 Fcfp.

Le public peut voter pour son film préféré parmi la sélection des 9 films en compétition. Il suffit de « liker » les documentaires appréciés à l’issue du visionnage, directement sur la plateforme.

Des ateliers gratuits sont organisés à la Maison de la culture, en présentiel, le nombre de participants est limité. Plusieurs créneaux sont prévus pour chacun du 9 au 12 février.

Inscriptions à assistantdg.fifo@gmail.com ou par téléphone au 89 32 61 86.

 

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