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Moruroa, un atoll sous haute surveillance

Opération transparence ce mercredi à Moruroa où les membres de la Commission d’information auprès des ancien sites d’expérimentation nucléaire du Pacifique, accompagnés par le haut-commissaire et deux représentants de l’association 193 et Tamarii Moruroa, se sont rendus sur l’atoll du grand secret. Le but de l’opération, montrer que tout est sous contrôle. Les convaincus sont repartis avec leurs certitudes, l’association 193 avec ses doutes.

Les membres de la Commission d’information auprès des ancien sites d’expérimentation nucléaire du Pacifique, accompagnée par le haut-commissaire et de deux représentants de l’association 193 et Tamarii Moruroa ont embarqué à bord du Casa de l’armée ce mercredi matin, direction Moruroa pour rendre compte des résultats de la surveillance géomécanique et radiologique de l’atoll. Et selon Francois Bugaut, délégué à la sureté nucléaire de défense, « on constate comme les années précédentes que les niveaux de radioactivité résiduels sont extrêmement faibles et qu’ils restent localisés sur l’atoll. »

Cette surveillance a été mise en place pour évaluer les phénomènes de glissement en zone Nord-Est à Moruroa et veiller à la sécurité des personnes sur l’atoll ainsi que des habitants de Tureia. Actuellement trente personnes vivent sur le site. 27 militaires et 3 civils, dont deux employés de la société Vinci qui s’occupent de la maintenance du matériel de mesures, et une personne détachée du ministère des Armées. Quant aux militaires, ils ont comme mission la protection et la défense de la zone en organisant des patrouilles maritimes et des surveillances radar.

Le blockhaus Denise

Après un détour par la zone vie, la délégation s’est rendue sur une des failles sur le récif qui fait l’objet d’une surveillance par le système Telsite (voir encadré) puis sur le blockhaus Denise, désormais désaffecté, qui abritait des instruments de mesure.

Au pied de la bâtisse imposante, une plaque commémorative. Trois personnes ont perdu la vie à cet endroit lors d’une opération de dynamitage en 1965. Peut-être les premières victimes du nucléaire en Polynésie. Une minute de silence à été faite en hommage à ces travailleurs mais aussi, à la demande de Lena Normand, première vice-présidente de l’association 193, en hommage aux familles victimes des retombées des essais atmosphériques.

Avant d’embarquer pour Hao, où la délégation était attendue pour faire un point sur les opérations de dépollution des hydrocarbures, PCB et métaux lourds, celle-ci s’est rendue sur le banc Colette où des essais dits de « sécurité » ont été faits sur le site. Les essais de sécurité consistent à faire détonner les explosifs chimiques d’une arme sans dégagement nucléaire, histoire de s’assurer que l’arme est totalement sure et qu’elle ne dégage pas d’énergie nucléaire.

« C’est un mélange d’explosif chimique et de plutonium métal et quand on la fait exploser cela disperse le plutonium métal. Il y a eu 15 expériences qui ont été faites, cinq en aérien sur des tours de 15 m de hauteur et dix dans le sol. Les cinq aériens ont donné lieu à une dispersion de plutonium, dont il en reste quelques kilogrammes dispersés sur le banc Colette et qui ne sont pas récupérables, quant aux souterrains ceux-ci sont à 100 ou 200 m de profondeur à l’intérieur des carbonates et techniquement ce n’est pas faisable de les récupérer. (…) De toute façon, en cas de fissure et de dispersion dans l’océan, cela ne poserait pas de problème environnemental et très honnètement, c’est hautement improbable », assure Francois Bugaut.

Jouxtant le banc Colette, un puits nommé PS3, dans lequel de 1996 et 1998 ont été jetés les déchets nucléaires du démantèlement de l’atoll entre 600 et 800 m de profondeur dans le massif de basalte et « ils sont parfaitement confinés » précise Francois Bugaut.

« Comment avoir l’assurance que tout est propre? »

Au bout du compte l’opération transparence initiée par les autorités suite à la parution du livre Toxique n’a pas vraiment apporté des réponses aux questions que se pose l’association 193, restée sur sa faim après cette visite. Sa vice-présidente s’est montrée plutôt dubitative, s’interrogeant : « comment avoir l’assurance que tout est propre, qu’il n’y a aucun risque, aujourd’hui et demain, ce n’est pas simple de croire. »

De son coté, le vice-président de l’association Tamarii Moruroa s’est déclaré plutôt enchanté de cette visite. À l’entendre les trente années qu’il a passé au CEP ressemblaient plus à des vacances qu’à une vie de labeur, « ça me fait beaucoup de plaisir de revoir Moruroa (…) j’ai participé à tous les tirs, souterrains, aériens et dans le lagon et tout le monde travaillait main dans la main, c’est cela le plus important. »

 

Telsite

Après l’arrêt des expérimentations nucléaires français en 1996, la surveillance géomécanique des atolls a été poursuivie pour évaluer les phénomènes de glissement en zone Nord-Est à Moruroa et veiller à la sécurité des personnes sur l’atoll ainsi que des habitants de Tureia. Cette surveillance repose désormais sur le système automatique de télésurveillance Telsite. opérationnel en 2018, qui s’appuie sur l’acquisition et la réception entièrement automatisées de mesures sur site, transmises en continu en métropole, par liaison satellite.

Telsite est composé de divers capteurs sismiques implantés en profondeur et en surface ; de stations GPS pour la mesure des déplacements en surface ; de capteurs de déplacement pour la mesure des déformations des flancs d’atoll ; des inclinomètres pour la mesure du mouvement des couches géologiques successives et des marégraphes pour mesurer l’amplitude des vagues qui résulteraient d’un éboulement sur les flancs de l’atoll.

Couvrir le risque, dit « à 90 secondes »

La première mission de Telsite est de couvrir le risque, dit « à 90 secondes », de déferlement d’une vague qui serait générée par l’effondrement soudain d’un pan de falaise corallienne. Un tel effondrement s’accompagne de vibrations enregistrées par les capteurs sismiques. Entre le moment où ces vibrations sont enregistrées et le déferlement de la vague sur le platier, il s’écoule au moins 90 secondes, temps durant lequel les personnes non protégées par le mur « océan » doivent se mettre à l’abri en hauteur. Si cela devait se produire, le système Telsite enverrait automatiquement une alerte en direction des personnes présentes sur site et en métropole.

La deuxième mission du système de surveillance consiste à guetter des signes avant-coureurs d’un éventuel glissement d’une masse importante du massif en zone Nord à Moruroa. Ceux-ci seraient repérés plusieurs semaines à plusieurs mois à l’avance grâce aux différents capteurs. Il s’en suivrait l’évacuation préventive de l’atoll.

Une faille dans le récif sous haute surveillance.

Pour l’heure, à en croire le rapport de surveillance des atolls de Moruroa et Fangataufa émanant du ministère des Armées, les mesures effectuées en 2020 permettent de classer le niveau d’évolution géomécanique de Moruroa au niveau 0 de l’échelle des risques. Seul, un petit éboulement sous-marin en zone Nord de Moruroa, a été détecté le 17 avril 2020. L’ensemble des mesures, indique une faible évolution géomécanique de Moruroa et de Fangataufa.

Quant aux relevés radiologiques, les 288 prélèvements effectués en 2019-2020 en milieu marin et terrestre montrent que, si il  subsiste une trace des essais atmosphériques, celle-ci est stable voir en légère diminution et reste localisée sur Moruroa et Fangataufa et confirme que le niveau de transfert dans l’environnement direct des atolls reste très faible.

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